Cela faisait seulement deux jours que j'étais arrivé dans cet institut. Tout me paraissait correct et j'avais hâte de commencer à aider ce fameux docteur Stark. D'ailleurs, je trouvais cela vraiment étrange: on ne me l'avait toujours pas présenté. Je ne l'avais jamais vu. J'espérais le voir prochainement. Il devait être très occupé après tout. C'est que, bâtir un monde nouveau, ce n'est surement pas de tout repos! J'étais un peu perdu dans tous ces couloirs. Mais alors que je me promenais, des escaliers m'intriguèrent. Je n'avais parlé avec aucun membre du personnel, si aucun "patient" comme je l'étais. Pourquoi? Je croyais que ma collaboration devait être importante. Peut-être qu'ils voulaient voir s'ils pouvaient me faire confiance. Quoiqu'ils en savaient déjà beaucoup sur moi apparemment. C'est suite à mon histoire qu'ils se sont intéressés à moi comme recrue...

Je montais désormais l'escalier qui menait aux combles. Je me sentais terriblement seul. Cet endroit me rappelait mon orphelinat. Je frissonnai. J'étais arrivé dans une sorte de grenier. Un piano se trouvait au milieu de cartons en vrac. Un sourire s'afficha sur mon visage. Ma famille d'accueil m'avait appris le solfège, et j'avais choisi comme instrument le piano. C'était une famille assez riche, c'est pour ça qu'elle pouvait s'occuper de tant d'enfants. Je leur devais beaucoup. Je m'assis sur le tabouret se trouvant devant le piano. J'étais vêtu d'un tee shirt gris et d'un jean. Je m'habillais toujours de façon très simple. J'aimais me sentir à l'aise... Mes mains se trouvaient désormais au dessus du piano. Et soudain, mes doigts se mirent à danser sur celui-ci. Mes yeux se fermèrent à m'en fendre les paupières. J'entrais dans mon monde et peu de chose pouvait m'en faire sortir. Un éléphant pourrait s'écrouler sur ce toit que je ne le remarquerais même pas...

Je voyais des tas d'images défiler dans mon esprit. Je voyais des couples de danseurs voltiger. Les hommes en costume bleu, les femmes en robes rouges. Je les voyais voler, tournoyer autour de moi. Ce que j'ignorais, c'était que dans la réalité, on pouvait les voir apparaître, puis disparaitre. Les danseurs étaient bien là, autour de moi, mais ce n'était que des images. C'était la première manifestation de mon pouvoir d'illusionniste, sans que j'en sois conscient. Étant donné que je ne maitrisais absolument pas cette capacité, l'image apparaissait et disparaissait sans cesse pendant que je jouais mon morceau, les yeux fermés, perdu dans mes rêves.

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J'ouvris doucement les yeux. Je m'étais rendu compte qu'une touche semblait... jouer toute seule? Mon regard étonné se posa sur la demoiselle. Elle avait les cheveux blonds et longs. Je ne parvins pas à distinguer la couleur de ses yeux car elle détourna le regard, affirmant que le morceau était joli. Je souris doucement en sa direction.

Merci. Ta note était jolie aussi.

Je ne savais pas manier l'art des mots. Je n'avais pas parlé beaucoup dans ma vie. J'avais l'habitude de la solitude et du silence bien que ma famille d'accueil avait été merveilleuse avec moi. Je n'avais pas l'habitude de me faire des amis (d'ailleurs je n'en avais pas). Mes seules relations furent mes frères et sœurs de la famille d'accueil avec qui j'avais perdu contact depuis des années. Et maintenant, je doutais de pouvoir revoir les parents que nous avions à l'époque. Je regardai timidement la demoiselle, me demandant si elle aussi était une patiente du docteur Stark. Surement que oui. Je souriais en m'adressant à elle.

Toi aussi tu viens pour aider le docteur Stark? Je m'appelle Peter et toi?

Je tendis une main vers elle. J'étais heureux qu'elle ait apprécié mon morceau au piano. Elle avait l'air vraiment sympa. J'avais apprécié de partager quelques notes avec elle, même si je ne l'avais pas remarqué de suite. Je me demandais quel était son passé et ce qui l'avait mené ici. Et aussi, ce qui avait mené Stark à s'intéresser à elle. J'avais envie d'apprendre à la connaitre. Mon regard se perdit vers une petite fenêtre qui offrait une vue sur le ciel. J'avais pleinement hâte de rencontrer ce docteur. Les oiseaux chantaient. J'avais une envie de me promener dans le parc. Je me demandais pourquoi le personnel avait refusé que je sorte du parc, que je visite un peu la ville. Soit disant qu'on avait besoin de moi à l'intérieur. Mais on ne m'avait pas sollicité une seule fois depuis mon arrivée. Je me tracassais un peu l'esprit. Me jugeaient-ils inapte à agir pour l'instant? Mais pourquoi ne pas me laisser prendre l'air? Je veux dire, vraiment, pas juste au parc? Mon regard se posa à nouveau sur ma nouvelle amie dans un léger sourire.

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Le discours de ma nouvelle amie me fit très vite perdre mon sourire d'enfant. Mes yeux autrefois pleins d'étoiles étaient à ce moment même humides et brillants, brillants de larmes et de déception. J'écoutais ce qu'elle me disait, la bouche légèrement entre ouverte, sous le choc d'une telle révélation. Non. Ce n'était... Ce n'était pas possible! Pourquoi?! Et pourtant, elle disait vrai. On m'avait bel et bien empêché de sortir depuis mon arrivée ici. Alors tout cela n'était que... Tromperie? Ou bien le docteur Stark employait des moyens vraiment étranges pour créer un "monde meilleur". Je doute que la violence amène à cela... J'étais tellement déçu, et surtout, j'avais peur désormais. Mes sourcils s’arquèrent. J'avais peur, et j'étais triste pour... Yolandi? Joli prénom. Elle avait l'air de souffrir énormément, et sa souffrance, je la ressentais au fond de mon cœur. J'avais mal pour elle. J'étais inquiet, et déçu, comme un enfant à qui on aurait offert une glace, et qui l'aurait fait tomber à terre.

Pourquoi? Pourquoi faire de telles choses?

Je regardais mon amie comme si elle allait pouvoir me donner une réponse, de préférence une réponse rassurante. Celle-ci attrapa ma main et me ramenai au piano. Je m'assis à ses côtés et lui adressai un petit sourire triste, les yeux toujours aussi brillants de peur. Où étaient passés mes rêves? Il ne fallait pas que je me laisse abattre. Certes, je ne pouvais certainement pas aider le monde à mieux tourner, mais je pouvais au moins essayer de donner un peu de bonheur à Yolandi, joli rayon de soleil dans cet institut. Je mis les mains au dessus du piano, hésitant un instant, puis je me décidai à improviser un morceau joyeux, tentant tant bien que mal de redonner le sourire à mon amie.



Au fur et à mesure du morceau, mon imagination se manifestait à nouveau. Je parvenais cette fois à rêver les yeux ouverts et ça, c'était magique. J'avais un grand sourire rieur sur mon visage alors que je voyais de petits bonhommes faire des sortes de numéros de cirque improvisés et comiques sur les touches du piano. Ce que j'ignorais, c'était que je n'étais pas le seul à pouvoir les voir. Ces hommes miniatures, vêtus de costumes bleu marine, haut de forme sur la tête, s'agitaient comme dans un film muet, comme sortis tout droit d'un film de Georges Méliès. L'un tentait d'orchestrer les autres qui enchaînaient les gamèles et les maladresses.

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Cela me fit énormément plaisir qu'elle me propose de jouer un morceau avec elle. En effet, je connaissais cet air et pus jouer à ses côtés. J'appréciai énormément ce moment. Je souriais toujours avec de belles images en tête. Je ne pouvais empêcher mon imagination de travailler. C'était comme ça, je n'arrivais pas à m'empêcher de rêver. C'était presque incroyable. Mais au final, j'aimais me perdre dans ce monde parallèle même si on avait toujours voulu m'en extraire, me jugeant trop naïf et trop... Ailleurs. Mais j'avais toujours lutté. On pouvait m'enfermer, m'éloigner du monde extérieur, mais on ne pouvait pas m'empêcher de rêver. Ce fut cela ma force, pendant toutes ces années, et elle allait le rester. C'était une force très puissante.

Je retrouvais mon sourire grâce à la compagnie de Yolandi. Elle avait l'air un peu moins triste que tout à l'heure et ça me réchauffait mon petit cœur. Mais c'est alors qu'elle prononça une phrase que me choqua profondément (une fois de plus).

- Les petits hommes de tout à l'heure venaient de toi ! C'est ça ton pouvoir ?

Ma réaction était presque inexplicable. Je fus comme paralysé, j'étais incapable de sortir le moindre son de ma bouche. Alors elle avait vu... Elle avait vu ce que moi je voyais?? Je veux dire...! Elle avait pu voir ce que j'imaginais?! Mais comment...! Comment était-ce possible?? Et pourquoi me parlait-elle de pouvoir?? J'étais si choqué que je crus que j'allais m'évanouir. Je crois que j'avais reçu beaucoup trop de révélation en si peu de temps. Heureusement que j'étais assis. Je fronçai légèrement les sourcils en signe de totale incompréhension.

Qu... Quoi??

Je la fixais comme si je la suppliais de me donner des explications. Quelle était cette histoire de pouvoir?? J'étais loin de me douter que j'étais doté d'un tel don et que j'allais pouvoir le développer. Et là ce serait encore mieux. Oh oui, bien mieux. Non seulement j'allais pouvoir faire de mon imagination une réalité, mais en plus, je pourrai partager mes rêves ou cauchemars avec qui bon me semble. C'était un don extraordinaire qui m'allait à merveille! Mais je n'étais pas encore prêt à apprendre ça. Je n'étais pas prêt à l'assumer. Et pourtant, dieu sait que ce don me collait à la peau. C'était un pouvoir sur mesure. Vraiment génial.

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Non, c'était vraiment sur, je n'étais pas au courant... Mon amie me confia que tout le monde avait un pouvoir à l'institut. J'osais à peine croire mes oreilles. Un monde magique était donc possible! Cela m'enchantait! Je vis la tête de mon amie s'enflammer alors qu'un sourire apparut sur mon visage. Je trouvais cela à la fois drôle et merveilleux. Oui, merveilleusement drôle! L'une des phrases que prononça Yolandi me rendis bien triste. je suis en train de mourir comme une fée. Cela me rappelait des légendes. Elles disaient que chaque fois qu'un enfant affirmait ne pas croire aux fées, l'une d'entre elles mourraient. Peut-être que ma Yolandi était vraiment une fée après tout, cela ne m'étonnerait pas du tout. Une fée de feu. J'avais trouvé ma fée et nous devions veiller l'un sur l'autre.

Je vis pour la première fois de l'espoir au fond des yeux de mon amie. Plus de peur dans ses yeux pendant quelques secondes, simplement de la supplication et de l'espoir. Et cet espoir, elle le plaçait en moi. Cela me touchait énormément et j'étais prêt à tout pour lui redonner un peu de bonheur, mais j'ignorais si j'étais capable de faire ce qu'elle me demandait. Après tout, l'important était d'imaginer. Il fallait qu'elle le fasse elle aussi, c'était un très bon entraînement. Je m'assis par terre en face d'elle et pris ses mains dans les miennes tout en plongeant mon regard dans le sien.

Je ne sais pas si je suis capable de ça. Mais je peux te conseiller une chose: rêve. Rêve encore et encore car c'est là ta porte de sortie. Laisse place à ton imagination, même si tout ce à quoi tu penses est irréel, on s'en fiche, il suffit d'y croire pour lui donner vie.

Je levai une main de la sienne. Entre mes doigts gambadait une petite licorne miniature. Je finis par poser mon regard sur elle avec un grand sourire, puis elle disparut. Je ne savais pas encore maîtriser ce don que m'avait offert le Dr Stark. Mais j'avais tellement envie de partager mes rêves avec Yolandi... J'avais envie de l'emmener voyager avec moi dans mes mondes les plus fous.

Je passerai mes jours et mes nuits à m'entraîner. Je te promets de t'emmener un jour dans mon pays imaginaire.

Je lui adressai un sourire sincère. Je reposai ma deuxième main sur la sienne et fermai les yeux, respirant fort et calmement afin de me concentrer et de vider mon esprit de mauvaises choses qui pourraient y traîner, bien que c'était rare d'en trouver par ici... Je parvins à faire réapparaître la licorne. Pour l'instant, je ne parvenais qu'à faire apparaitre de petites choses. Il fallait me laisser le temps de maîtriser tout cela et de faire mieux... La licorne était désormais posée au creux de ma main alors que je la tendais vers Yolandi. Je souris doucement.

Vas y, caresse là.

Je m'aperçus avec joie que mon amie pouvait interagir directement avec mes pensées, mes rêves. la licorne était blanche, une corne dorée sur le nez, les sabots et la longue crinière bleue, et elle frottait sa tête contre la main de Yolandi comme signe d'affection. ♫

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Mon don m'étonnait de plus en plus. Jamais j'aurais cru être capable d'une telle chose. J'étais totalement émerveiller. Pour une fois, j'avais pu partager une partie de mes rêves avec quelqu'un, et pas avec n'importe qui. Je me jurai à moi même de la revoir aussi souvent que possible et de l'aider à s'évader, que ce soit par la pensée ou physiquement. Avec les rêves, tout était possible. Et avec un tel don... En le travaillant, on pouvait vraiment faire des miracles! Mon amie créa à son tour une licorne, mais cette fois de feu. Elle était vraiment magnifique, et fit apparaître un sourire encore plus grand sur mon visage. Je riais alors qu'elle mis le feu au plancher. Puis elle réapparut dans sa main et je fis venir ma propre licorne vers la sienne. Toutes deux gambadaient en jouant ensemble, ce qui m'amusa. Me concentrant, je fis apparaitre devant elles deux quelques fleurs et herbes sur ma propre main, la mettant en prolongation de celle de Yolandi.

Mais soudain, un bruit sourd mais assez violent me perturba et fit disparaître tout ce que j'avais fait venir. Je regardai autour de nous mais je ne voyais rien. Je lançai un regard inquiet à mon amie. Après ce qu'elle m'avait raconté sur l'institut, j'avais un peu peur de l'environnement. Mais le bruit avait cessé et je retrouvai un sourire.

Que dirais-tu d'une promenade dans le parc, ou simplement s'allonger dans l'herbe à compter les nuages?

J'avais envie d'être à l'extérieur, de respirer un peu. J'adorais me retrouver au contact de la nature, et je ne voulais surtout pas me séparer de Yolandi. J'avais envie qu'on s'enferme à nouveau dans notre monde comme nous venions de le faire. Nous pouvions sortir, nous allonger dans l'herbe et simplement observer les nuages. J'aime les formes qu'ils peuvent prendre, faisant développer notre imagination. Ils peuvent nous montrer des tas de choses et leur forme change à chaque seconde grâce au vent. Oh oui, j'aimais la nature! Plein d'enthousiasme, j'attrapai la main de ma fée et me levai, souriant, comme un enfant, l'air de dire: aller on y va!!! S'il te plait!! Je n'étais pas un gamin capricieux loin de là, j'étais juste toujours plein d'entrain et d'enthousiasme. J'aimais la vie, malgré mon lourd passé. Et je n'avais pas fait le rapprochement entre le discours de Yolandi et ce qui était arrivé à ma famille lorsque je n'avais que quatre ans...

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