Sujet: Don't you trust me ? ~ June [terminé] Mar 22 Jan - 9:46
Certain appellent ça du courage, d'autres de la folie, d'autres encore de l'idiotie. C'était peut être tout ça à la fois. Malgré de multiples vents reçus par la jeune femme, je me refusais tout simplement à l'abandonner. Je ne sais pas pourquoi j'étais aussi protecteur avec elle, pourquoi j'ai ce besoin de savoir qu'elle va bien. J'étais assis sur un siège. J'avais une demi-heure comme à chaque visite. Depuis notre dernière sortie en fourbe, l'infirmière avait attaché les bras de June. Celle-ci avait aggravé sa blessure en marchant alors que la plaie n'était pas cicatrisée. C'était en partie de ma faute. Je l'avais amenée sur le toit, ce qui d'ailleurs ne lui a pas plut du tout. Le bout de rideau que j'avais posé sur sa jambe n'avait évidemment pas tenu. J'étais en partie responsable de la gravité de son état.
J'ai donc étudié les horaires des infirmières. Il y a un trou d'une demi-heure à chaque fois, l'infirmière part fumer une clope, prendre un sandwich au réfectoire et puis revient. J'ai donc vingt bonnes minutes devant moi pour aller voir June. Je sais pertinemment qu'elle trouverait ridicule mon acte mais je ne peux pas m'empêcher de vérifier... Vérifier que ces fous furieux de sadiques ne la droguent pas, ne l'utilisent pas pour des expériences aussi sordides que leurs masques sont hideux. Je veux être sûr qu'ils la guérissent et non qu'ils la pourrissent davantage. Je veux être sûr qu'elle va bien. Ça fait quelques jours que je viens la voir, assis sur ce siège noir posé dans un coin de la pièce. Au début, elle était livide, presque aussi blanche que les draps de son lit. J'avais l'impression qu'elle ne pourrait jamais se relever, ses traits étaient creusés, elle avait maigrit aussi on dirait, comme si toutes ses foutues perfusions au lieu de la nourrir, lui pompaient sa vie, au fur et à mesure. Les premiers jours j'étais donc très inquiets. Mais petit à petit, June reprenait des couleurs, son visage revenait progressivement à la normale, elle semblait plus reposée, en paix. Chaque fois que je passais, elle dormait profondément. Ce n'était pas plus mal d'ailleurs. Je n'avais pas envie d'une confrontation avec elle, depuis le toit, je sais qu'elle ne veut pas de moi dans sa vie, aussi dès qu'elle sera sur pieds je m'effacerai de son horizon, à contre coeur, mais le ferai si c'est ce qu'elle souhaite. Aujourd'hui, il faisait très beau dehors. Je regardais par la fenêtre, j'avais envie de partir d'ici, mais plus encore j'avais envie que tout le monde puisse sortir. Une évasion collective. Je ne voulais pas laisser derrière moi qui que ce soit. Ce ne serait pas juste. Je sortais de ma rêverie, j'avais entendu un bruit. Ce n'était pas June, elle ne bougeait pas d'un cil. En fait c'était l'infirmière qui était revenue plus tôt que d'habitude. J'étais surpris et pris en flagrant délit, sans aucun argument pour ma défense.
« Je sais qui tu es, Azraël. Et je sais aussi que tu viens tous les jours la voir n'est-ce pas ? »
Le ton de l'infirmière se voulait sans équivoque, froid et dur. Elle portait un regard incisif sur ma personne, j'avais l'impression d'être disséqué vivant. Je gardais le silence. J'avais la mâchoire qui se serait, et le poing serré. Ce qui ne lui avait pas échappé.
« Calmez-vous, ça fait longtemps que j'aurai pu vous punir si je l'avais voulu. Ce n'est pas encore votre heure monsieur Foster. Sachez ici que TOUT, se sait. » Elle avait un petit sourire malsain qui me donna un petit frisson qui me parcourut l’échine. « La jeune femme est bientôt remise sur pied, elle va avoir sa première sortie aujourd'hui. Si elle utilise une canne, elle pourra faire une petite balade même. Peut être que vous voulez l'accompagner ? »
Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il y avait un piège, elle ne pouvait pas être agréable, gentille ou avec de la compassion. En même temps elle m'offrait l'occasion de voir June, de la voir réveillée, et en forme. Mais cette perspective bien qu'alléchante, ne me paraissait pas souhaitable. Il ne fallait pas que June passe du temps avec moi alors que tout ce qu'elle souhaite c'est que je la laisse tranquille. Je refuse de lui causer encore du désagrément. Aussi allais-je répondre à la vieille mégère en qui je n'avait pas du tout, mais alors pas du tout du tout confiance, que je n'étais pas l'homme approprié. Mais avant que j'eusse pu dire quoi que ce soit, la convalescente se racla la gorge. Elle avait ouvert ses grands yeux bruns, et me regardait. Ce que je voulait à tout prix éviter était arrivé. J'étais présent à son réveil. Je ne savais pas qu'elle réaction elle allait adopter mais j'avoue qu'au fond de moi je redoutais les prochaines paroles qu'elle allait prononcer...
Dernière édition par Azraël E.W. Foster le Ven 1 Fév - 19:12, édité 1 fois
June Harmon
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Sujet: Re: Don't you trust me ? ~ June [terminé] Mar 22 Jan - 18:48
Un nouveau matin se levait à l’institut Stark. Peu à peu, les couloirs s’animaient pleins de ces pensionnaires affamés qui se ruaient jusqu’au réfectoire. Les plus timides attendaient, cachés dans la pénombre de leur cellule, préférant le silence réconfortant de ce petit espace qui était devenu le leur au fil des mois. Je me sentais proche d’eux désormais, clouée au fond de ce lit qui était pour moi pire que cette cage qu’on osait appeler chambre où j’avais passé le plus clair de mon temps ces derniers mois. J’avais toujours détesté me sentir enfermée et ma claustrophobie ne s’était pas arrangée avec ces liens qui entravaient le moindre de mes mouvements. Cela avait même réveillé chez moi une sorte de paranoïa. Je dormais peu, trop peu et mal, si bien que l’infirmière en était réduite aux somnifères pour espérer me voir reprendre des forces. Je revoyais sans cesse des images de l’accident sans pour autant vouloir en parler. Mon subconscient me rappelait à chaque minute cet être qui m’avait ôté toute raison, qui m’avait poussé au pire agissement que j’aurais pu imaginer. Je détestais le mensonge et pourtant j’en avais orchestré un tellement énorme que sa simple idée me répugnait. Je me demandais ce qu’il était advenu d’Harker… Je trouvais même cela assez étrange de ne pas avoir subi d’interrogatoire après les évènements. Je devais surement être surveillée, voire même étudiée de près. Et cela ne me plaisait pas. Je me sentais comme sous un microscope géant, analysant chaque partie de mon génome pour en percer tous les secrets.
Oui, l’infirmerie n’avait rien d’un endroit accueillant. Il y faisait froid et ce malgré le soleil qui venait offrir parfois sa douce lumière à la pièce. Mais surtout, cet endroit avait une odeur que l’on n’oubliait pas. Un mélange d’éther et de souffre qui s’incrustait partout laissant à jamais sa trace indélébile sur les pauvres âmes passées par là. Mais il y avait pire que tout cela, et ce mal-là s’appelait infirmière. Ne croyiez jamais trouver un quelconque réconfort auprès d’elles car elles seraient prête à tout pour avoir l’occasion de disséquer votre cadavre. Stark les recrute principalement pour cette « qualité » : elles n’ont aucune étique. Celle qui s’occupait de moi me détestait d’autant plus que j’avais réussi à lui échapper une fois. Cela l’avait rendue bien plus aigrie encore qu’elle ne l’était. Elle me piquait si souvent que j’en avais perdu le compte. Seul mon bras bleuté et endoloris s’en souvenait. Je la haïssais elle aussi, tout autant que cet endroit.
Pourtant, alors que tout semblait si sombre, il restait quelqu’un pour veiller sur moi. Il ne m’avait pas fallu bien longtemps pour sentir sa présence dans la pièce. Il avait bien étudié la situation et l’heure précise à laquelle l’infirmière s’éclipsait l’espace de trente minutes pour déjeuner. Il se posait là, dans le coin juste à côté de moi et il m’observait. Parfois, il se contentait de regarder par la fenêtre ou de vérifier la grille de suivi médical accrochée à mon dossier. Il ne parlait jamais mais je n’avais pas besoin d’entendre sa voix pour lire en lui. C’était plus difficile depuis que j’étais dans cet état mais j’y arrivais. Il avait de nombreuses pensées dans son esprit. Des rêves, des espoirs et un entêtement qui dépassait l’entendement. Après tout ce qui s’était passé, il était toujours là avec cet air nigaud sur le visage. Il se demandait si j’allais bien, si mes médicaments me soignaient réellement, il se sentait parfois coupable aussi de m’avoir fait sortir ce jour-là, à cause de mes blessures… De mon côté, je l’écoutais religieusement, sans ciller. Je restais les yeux clos, la bouche cousue par ces mots que je ne savais pas employer pour lui dire à quel point j’étais désolée. Je savais qu’il redoutait mon réveil. Qu’il avait peur d’essuyer un nouveau rejet. Je me mis alors à penser que c’était ce manque d’amour maternel qui le rendait si fragile, si protecteur envers les autres. Il devait avoir besoin de se sentir aimer. C’était sa façon d’avancer ici et de tenir le choc. Je trouvais ça beau même si je doutais de pouvoir un jour éprouver des sentiments si purs à l’égard des autres.
Aussi ce jour-là, Azraël était une fois de plus venu me rendre visite à l’infirmerie. Il s’était assis près de moi sans savoir qu’aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. J’allais sortir. J’allais enfin me lever de ce foutu lit qui me retenait prisonnière depuis bien trop longtemps. J’aurais aimé tout lui dire mais je n’y arrivais pas. Je me disais que je pourrais lui écrire, juste quelques mots rapides sur un bout de papier. Cela devrait suffire … Mais alors que je m’imaginais en silence quels mots choisir, j’entendis un bruit. Des pas. Des pas que j’avais suffisamment entendus pour savoir qu’ils n’étaient pas ceux d’Azraël. Trop tard, je n’avais pas le temps de le prévenir.
L’infirmière entra dans la pièce et j’ouvris les yeux. J’essayais de trouver une excuse au cas où elle lui créerait des problèmes mais elle ne dit rien et parla de ma sortie et cela me parut étrange … Trop étrange pour être réel. Que cachait-elle derrière son sourire mesquin … Je n’aimais pas cela… Pas du tout. Elle tourna ensuite les talons, laissant seulement une canne derrière elle.
Un silence s’installa et celui-ci me parut durer une éternité. Je ne savais que dire ni même que faire. Une fois encore mes sentiments s’emmêlaient et j’étais sans voix. Voyant mes mains libres, je me redressais, suspendant mes pieds au-dessus du sol. Je tirais alors un morceau de papier que j’avais caché en dessous du matelas. J’avais beaucoup écris depuis quelques semaines. Mon internement m’inspirait. Je me levais alors, agrippant le bord du lit pour me réhabituer au contact avec le sol. Je glissais le papier dans sa main et faisait quelques pas pour venir m’appuyer contre la vitre depuis laquelle la vue était imprenable sur le parc. L’air de l’extérieur me manquait. A vrai dire, je me demandais ce qu’il pourrait bien penser de ces quelques vers.
Il l’aimait pour ses blessures, Pour ces sourires habiles qu’elle accrochait à ses lèvres, Comme le masque déformé des douleurs les plus secrètes. Elle, aimait la douceur du crépuscule Et son voile de ténèbres qui venait engloutir la ville et ses mensonges La rendant intouchable, puissante. La nuit était son allié, le symbole de son pouvoir, sa force. Il connaissait les failles dans sa voix, ce timbre en demi-teinte Ce cri muet face à la peine qui rongeait son être Ce poison terrible qui croupissait dans ses veines, Devenant chaque jour un peu plus mortel. Elle, traînait son corps abîmé dans la pénombre, Où sa souffrance imposait le règne du silence aux démons les plus terribles Elle avait perdu ses illusions et noyé ses espoirs dans des rivières de larmes. Elle était une âme errante sublimée par l’audace de son sacrifice. Il devinait la faiblesse sous ses regards faussement distants, Il voyait cet éclat déchirant d’un corps à la dérive, Nymphe à genoux devant l’horreur du monde, Beauté déchue, forcée de vivre par orgueil ou par peur. Elle, avait oublié ce qui existait en elle autrefois, Elle avait abandonné ses rêves Qu’elle avait jeté à la face de la lune Comme des lambeaux dans le vent, vestiges du passé, Reliques perdues tissées de désirs et de certitudes. Et à la fissure du jour et de la nuit, Ils ont tendus leur main l’une vers l’autre comme deux aimants Destinés à s’attirer...
Je n'avais pas noté la suite. Mais je l'avais imaginé. Ce n'était pas vraiment des excuses mais j'en aurais été incapable. Je guettais sa réaction du coin de l'oeil, fixant faussement l'étendue blanche qui s'étalait à perte de vue sous moi.
Sujet: Re: Don't you trust me ? ~ June [terminé] Ven 25 Jan - 16:29
Je la regardais, immobile, retenant presque mon souffle. Je ne voulais pas qu'elle me voit. Je ne voulais pas qu'elle croit que je la harcèle ou quoi que ce soit d'autre. Je ne cherchais pas le conflit à nouveau... J'avais le regard baissé comme un enfant qu'on aurait pris volant un bonbon en cachette. Je me sentais un peu stupide de me trouver là et de ne rien arriver à dire. Lui expliquer, ou alors lui demander comment elle se sentait. J'aurais voulu être partit plus tôt. Mais voilà elle avait ouvert les yeux, elle était comme revenue à la vie. Cet air serein l'avait quitté, elle semblait toujours fatiguée, mais elle respirait. La jeune brune s'était redressée sur son lit, tandis que l'infirmière s'était éclipsée. Attitude bien étrange de l'infirmière. Mais ce n'était pas ma préoccupation. Je m'étais avancé pour atteindre la canne et la donner à June, mais lorsque notre regard s'est enfin croisé, on distinguait une lueur nouvelle dans le regard de la jeune femme. Je ne saurais pas dire ce que c'était, mais j'avais la sensation que ce repos avait été bénéfique, et la peur qu'elle me rejette à nouveau s'évapora d'un coup. Elle me glissa un bout de papier. Je fus surpris, elle m'aurait écrit à moi ? Elle continua sa route vers la fenêtre. Je me plongeais dans la lecture. C'était un poème, voilà qui me rappela notre première rencontre. Alors la jeune femme aux poèmes referait-elle surface ? Je lis, consciencieusement, embrassant des yeux chaque mot, transperçant de mon regard l'âme de ce texte noir.
Je crois que nous sommes arrivés à la lumière de notre ombre. Ces proses parlaient de nous. Elle reconnaissait sa chute, elle me montrait à quel point elle avait sombré dans ce gouffre sans profondeur qu'était sa vie. Une sorte d'aveu tranchant et vif, elle cessait de se battre contre moi. Elle quittait son orgueil pour dévoiler l'ampleur de sa détresse, elle avait cessé de croire, de rêver et d'espérer. Elle me dévoilait que j'avais vu juste. Voilà qui me peinait au plus au point, comment peut-on vivre sans espoir ? Comment peut on avancer sans rêves ? Je savais que si elle ne retrouvait pas de but dans sa vie, elle finirait par perdre sa faculté de sourire, perdre ce regard si profond, perdre sa capacité à aimer quoique ce soit. La fin du poème laissait un vide éphémère, un vide à combler..
Et à la fissure du jour et de la nuit, Ils ont tendus leur main l’une vers l’autre comme deux aimants Destinés à s’attirer...
Je restais là, debout avec ce morceau de papier dans les mains, réalisant à peine qu'elle acceptait en fait mon amitié. J'avançais, prenant la canne que j'étais parti cherché. Je m'approche d'elle alors qu'elle me tourne toujours le dos.
« Tu te souviens, je t'ai dit que les mots avaient une âme pour peu qu'on y croit. Toi, tu as réussi à donner une âme à ce poème. »
J'étais debout derrière elle, regardant la neige par la fenêtre à mon tour. Je ne la touchais pas, je préférais garder une distance raisonnable pour ne pas qu'elle se sente oppressée. Prenant son poème, je le glisse dans ma poche. Je ne perdrais pas ce texte, je m'étais imprégné de chacun de ses mots, conscient que la tâche de garder June à flot ne serait pas simple. J'étais conscient de l'effort qu'elle venait de faire, m'écrire tout ça n'était pas chose facile j'imagine aussi je devais montrer que je recevais ce présent.
« Saches que je ne t'en veux pas de m'avoir rejeté. Mais maintenant considères moi comme ton ami s'il te plaît, et fais moi confiance. »
J'observe un léger silence, et pose la question qui trotte dans mon esprit... « Dis moi petit être de la nuit, c'est à nous d'écrire la fin de ton poème, n'est-ce pas ? » Je souriais, j'étais heureux de voir qu'elle acceptait ma simple présence, qu'elle allait un peu mieux. Qui sait cette première balade allait peut être bien se passer.
June Harmon
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Sujet: Re: Don't you trust me ? ~ June [terminé] Dim 27 Jan - 20:01
J’eus un léger sourire lorsque j’entendis à nouveau la voix d’Azraël. Cela me rappelait notre première rencontre sur le toit. Sans le regarder, je savais déjà qu’il avait ce même air plein d’espoir sur le visage. Il voulait qu’on soit ami, que je puisse compter sur lui à tout moment. Et puis finalement, il me demanda si c’était à nous d’écrire la fin du poème. La question me surprit un peu. J’avais peur de lui répondre car je sentais au fond de moi que j’allais tôt ou tard briser ses espoirs. Et puis ce poème avait une fin. Une sombre fin que j’avais déjà écrite.
Mais lorsque l’aurore est venue illuminer le clair-obscur du ciel, Ce sentiment insaisissable qu’avait peint la nuit A disparu a jamais, et le cœur trop abîmé de mensonge et de haine, Elle dessina sur ces lèvres l’étrange sourire d’un adieu Qui ne laissa derrière lui que de la déception et l’amertume A celui qui avait tant voulu croire à la beauté des ombres insaisissables
Je savais ces mots. Je connaissais ce poème par cœur pour y avoir passé des heures, relisant sans cesse ces quelques lignes, cherchant toujours à en changer les mots pour qu’ils y prennent tout leur sens. Mais à cet instant, face à lui, j’étais faible. Trop faible pour refuser son aide, trop amoindrie pour oser lutter encore contre lui. Cette amitié me faisait peur car j’en connaissais déjà les limites. Je savais que j’étais prête à tout pour retrouver Harker, prête à tout pour en savoir plus sur mes parents. Je l’avais déjà prouvé ce soir-là dans le bureau de Stark. J’étais une manipulatrice née. Mais je ne pouvais pas le lui dire. Je ne pouvais pas vendre la mèche, je ne lui faisais pas assez confiance. Pourtant je savais que cet événement l’aurait fait renoncer. Je savais que j’aurais pu me rendre assez détestable à ces yeux pour qu’il m’abandonne. Mais aujourd’hui, j’étais bien trop épuisée encore pour mettre mes petits plans à exécution. Je voulais seulement profiter de cette sortie.
Mais il y avait une autre chose qui me faisait céder. C’était mon cœur. Mon cœur qui lui était resté humain. J’aimais Azraël. Sa présence me rassurait. Il était ce frère que je n’avais jamais eu. Ce morceau de famille qui me manquait désespérément. Je savais que c’était pour cette raison que je ne voulais pas le décevoir. C’était pour ça qu’il comptait tellement et pour ça que j’allais tout faire pour l’éloigner de moi. Je trouverais un moyen. Mais en attendant, une promenade me suffirait.
Je me redressais vers lui, découvrant son sourire niais. J’eus un petit soupire et j’agrippais la canne qu’il avait entre les mains pour me redresser et affronter à nouveau ce monde de dingue où nous vivions. Je me sentais comme une vieille femme mais à cet instant précis, je m’en fichais. Je voulais seulement sortir, fouler à nouveau le sol, me jeter dans la neige jusqu’à être malade. Emportée dans mon élan, j’en oubliais presque mes blessures et j’attrapais le bras d’Azraël pour l’entrainer vers la sortie.
« Peut-être qu’on pourrait écrire une fin … Ou peut-être qu’il n’y en aura jamais. Mais ça n’a pas vraiment d’importance. Les mots sont futiles, ils nous échappent toujours. Peut-être auront-ils un sens différent dans quelques jours, ou quelques mois … »
Alors que je glissais ces quelques mots, je me rendis compte que je trahissais déjà ma pensée. Je me repris alors pour essayer d’être un peu plus positive.
« Mais aujourd’hui je vais vivre ma première sortie depuis bien longtemps et tu ne peux pas imaginer à quel point ça me rend … Hystérique. Je voudrais pouvoir déployer mes ailes invisibles de toute leur envergure et m’envoler loin de tout. Du bruit, de la peine, de la solitude … Tout oublier dans un vol sans fin … »
Alors que nous arrivions à la porte, je cramponnais un peu plus son bras comme soudain apeurée. Je me demandais ce qui nous attendait là, derrière ces murs. J’avais peur de croiser les autres pensionnaires enfin un en particulier. Je savais que j’aurais été capable de lui sauter à la gorge et de lui arracher la jugulaire avec les dents tant ma haine pour lui était à vif. Ces pensées horribles me firent frissonner et tout en me donnant une plus grande envie encore de franchir ces portes, de remarcher la tête haute et de préparer ma vengeance.
« Au fait, tu n’aurais pas dû venir si souvent. Je ne le méritais pas. Mesure les risques. Si on franchit cette porte, on passe un marché entre nous : veiller l’un sur l’autre. Moi je ne cours pas grand-chose. Mais toi, est-ce que tu y as pensé ? »
Et oui, malgré moi, j’essayais une fois de plus de le mettre en garde même si je savais qu’il répondrait par une pirouette. Je le regardais, me concentrant pour ne pas lire ses pensées pour une fois.