L’éternité c’est une salle remplie de miroirs. On est seul avec soit même, on se nourrit de cauchemars, pendu au silence de son propre reflet. On s’observe d’abord avec curiosité, on se cherche, on se déteste et inévitablement on se déchire de l’intérieur pour se perdre. On s’accroche à ce qu’on peut, on est là et en même on est absent, qui suis-je ? Perdu dans ce labyrinthe, casse tête infinie, je me suis cherché, je me suis accroché à l’image de ce petit garçon, ce vaillant chevalier et son courage démesuré pour braver l’interdit. Il était doué le petit, pour s’inventer des mondes avec sa mère, sa princesse. Un véritable héros en salopette, un héros déchu et il fallait que je lui rende un dernier hommage. Ma mémoire furtive comme un éclair me renvoya des images fatiguées par le temps, des bribes de souvenirs voilés de tendresse et d’amertume.
De ces réminiscences naquit une dame au teint de porcelaine, une poupée dont le visage était à demi dissimulé par la lueur du soleil. C'était une femme magnifique, fragile presque autant que moi. Elle avait les pieds nus sur le sol ardent du désert d’Israël, mais elle ne souffrait pas. C’est ici que je suis né. Apaisée, la femme fredonnait un air ensorcelant et tendait les bras en direction d'un petit homme qui apprenait à marcher. Chutant à plusieurs reprises sur le sable qui lui brûlait les mains, le garçon se relevait vaillamment n'abandonnant jamais sa quête. Rude était la trajectoire menant à la félicitée, cela demandait bien des sacrifices. Je venais d’apprendre ma première leçon. Fière du garçon, elle le prit dans ses bras de dentelle et chanta pour l'apaisait. Toujours la même mélodie, une berceuse inoubliable qui me hanta toute ma vie. Elle caressa mes cheveux d'ébène pour y déposer un baiser léger comme une brise et l'enfant s'endormit paisiblement.
Un parfum de fleur d'oranger venu des âges parcourus mes narines frémissantes. C'est alors qu'un nouveau personnage s'immisça dans mes songes. Était-il réellement un homme ? Sa silhouette était si grande que sa tête se perdait dans les nuages. La largesse de son ombre abritait la ville tout entière, bienveillante. Essayant tant bien que mal de tenir sur ses petites jambes encore frêles, le garçon qui avait apprit à marcher se mit à courir vers le géant. Celui-ci lui tendit une main immense et l'éleva si haut que l'enfant se retrouva suspendu au ciel. Tandis que des ailes semblaient pousser dans son dos, le petit prince s'envola en riant aux éclats. De cet amour de géant naquit mon goût immodéré du vertige, seule et unique sensation libératrice de tous mes maux. Dans les cieux mes rêves n'ont plus aucune limite, tout n'est que démesure et sensation. La force de ce sentiment resta gravée en moi pour toujours, celle de l'amour d'un père.
Jamais je n’étais allais cherché si loin dans ma mémoire et bien que les sensations s'en trouvent décuplées, je ne voyais maintenant plus que des ombres. Alors que je m’élançais vers les tréfonds de mon enfance, le monde se mit à tourner au ralenti. Mes parents m’avaient appris chacun leur tour ce qu'était le courage, la persévérance et la douceur d'un amour. A présent ils n'avaient plus rien à m’offrir qu'un monde de ténèbres, gouverné par des chars et des mitraillettes sanglantes. Ce n'était pas une vie pour un prince, pas une vie pour un enfant de six qui a peur du noir. Bien vite les silhouettes se décomposèrent dans le lointain. S'enfuyant dans une course effrénée, elles disparurent dans un dernier souffle d'adieu.
Londres en cette période de l’année était telle un miracle dans les yeux d’un enfant qui découvrait la ville pour la première fois. Obnubilé par la foule de lumières et de gens, moi, petit garçon de six ans me retrouvait perdu dans un rêve. Lorsque résonna à mes oreilles un ignoble klaxonne assourdissant, je sortis de mes songes. J’étais un intrus parmi les passants, londoniens et touristes confondus dans le même objectif, la quête de Noël et l’invasion des magasins. J’avais oublié la raison qui m’avait amené ici, dans cette ville que je ne connaissais pas parmi ces gens qui n’étaient en rien semblables aux habitants de mon pays natale. C’est le froid qui, s’engouffrant entre mes doigts, fit poindre en m’a pensée l’image d’une mère à présent disparue. A quel moment avait-elle lâchée la main de son fils ? A quel moment avait-il commencé à perdre l’esprit ? Seul au milieu du monde et gelé par la neige qui n’avait que faire de mon triste sort, je m’immobilisa de peur. J’observais avec une répulsion qui n’était pas de mon âge, la densité de bonheur que je pouvais lire sur chacun des visages me surplombant. Cette béatitude étrange mêlée d’avidité avait cela de mesquin qu’aucun ne semblait être dans la capacité de voir autre chose que leur propre reflet dans les vitrines. Personne ne remarqua ma présence, ni même ne fut interloqué par ma soudaine métamorphose. Mes cils à force de braver le froid s’étaient cristallisés, tout comme le reste de mon corps incapable de se mouvoir. J’avais prit la couleur du ciel pour me transformer en un véritable bonhomme de glace. Personne n’osa interrompre le spectacle hallucinant de cette innocence en chute libre. Un enfant meurt, un autre nait, admirez ou passez votre route, fin de la pièce. Tout le monde rentre chez soi et oublie, ils oublieront ce qu’ils n’ont pas voulu voir, ils oublieront l’enfant neige.
J’avais seulement six ans lorsque je découvris le monde et que celui-ci me glaça de toute son indifférence. Il fallut attendre que mon cœur s’émiette entièrement avant que quelqu’un ne remarque ce qu’il restait de moi. Les médecins firent tout leur possible pour recoller mes morceaux d’enfant, mais le froid avait entièrement gelé mes rêves et le verdict était clair, il ne pourra plus jamais aimer. Un handicap à vie, naît de la sensation d’indifférence cumulée au drame de mon enfance et à l’ hardiesse de mon éducation, maladie dont il n’existait aucun remède connu à ce jour. Froid, inexistant, je n’étais plus qu’une ombre de petit garçon. Seulement moi savait et n’avait rien oublié de mon enfance que je gardais secrète, nourrissant en silence une rancœur féroce envers l’humanité. En faisant de mon cœur une pierre glacée, la vie avait fait disparaître mes craintes, je n’eus dés lors plus jamais peur du noir.
Fait pas si fait pas ça. Toujours la même rengaine. Je venais d’avoir douze ans et toujours de la peine à garder les pieds sous la table. Que l’on me dise quoi faire et je ferais le contraire! Petit enfant sage ne pose pas de questions, il est robot qui attend les ordres, une machine d’obéissance. Je n’étais pas cet enfant sage, mon esprit avait l’appétit bizarre du monde. J’étais prêt à tout pour en découvrir les mystères, j’aurais fait n’importe quoi d’inconscient quitte à me mettre en danger. Petit emmerdeur je ne supportais pas qu’on m’enferme, je ne le supporte toujours pas. Par expérience j’appris que je n’étais qu’un homme, esclave de ma nature et tout d’abord esclave de ces gens qui portaient mon nom, mais qui n’étaient pas des miens. J’avais été accueilli par cette famille que je ne reconnaissais pas, oncle et tante pour lesquels je n’éprouverais jamais d’attachement, ne pouvant tout simplement plus ressentir d’affection pour personne. Mon unique liberté était mon imagination, cette valse de neurones bouillonnants capable de créer tout un univers. L'étrange cuisine à l’intérieur de mon crâne, une explosion de curiosité pour tout ce qui m’entourerait. Innocent jusqu’au bout des ongles, j’effleurais de mes petits doigts d’enfant cette vie qui m’avait trahit trop jeune et qui me tuait de son inaccessibilité. Je me sentais terriblement seul dans cette grande maison vide. J’aspirais à autre chose, ce monde que je voyais en rêve et qui m’obsède encore dans mon sommeil. Je l'ais construit de mes songes, un endroit paisible, jardin en décomposition et fleures mortes à foison. Il fallait que je m’évade, ici les rêves n’avaient pas leur place. Je n’ai jamais demandé qu’un passe pour l’aventure, qu’on m’autorise à voir un peu ce que cela vaut d’être libre, mais je n’avais que douze et seulement des histoires pour me défendre. Mon oncle était un vieillard aigris. Il aimait crier sur moi pour se prouver qu’il était encore un homme. Il ne comprenait ma différence, pourquoi je passais des heures à fixer des points dans l’atmosphère, muet, immobile, seul. J’étais fasciné par des choses que la plupart des hommes ne pouvaient comprendre. Alors comme il ne comprenait pas mon oncle se plaisait à piétiner mes rêves avec ses histoires qui me faisait peur la nuit. Il les écrasait, jusqu’à les faire disparaître.
Durant de longues années je me suis plié à ses règles pour essayer de comprendre ce qui animait sa colère. Je l’étudiais sous toutes les coutures, il était devenu l’objet de ma curiosité. Alors à force de sonder son esprit et ses obscures espérances je pris conscience de quelque chose d’effroyable. Son cœur était vide. Ce vide qui le rendait violent, plus je l’imaginais et plus il m’étranglait. C'était l’amour que je recherchais dans ses yeux, cet amour qu’il n’offrait qu’à des chimères, c'était ça le vide.
Adolescent renfermé, plus par désintérêt que par timidité, je ne me fis aucun ami et attira au contraire l’hostilité de mes camarades d’écoles. On me trouvait trop sûr de moi, trop effacé, sournois dans mes silences et dérangeant de par mes origines. J’étais devenu l’intrus, l’objet des railleries, le souffre douleur, celui qu’on écrase parce qu’il est différent et que la différence est effrayante. Je me suis nourrit de cette haine, conscient qu’elle finirait tôt ou tard par me submerger complétement. Et lorsque enfin je fus à bout, mon moi profond se redressa et l’adorable garçon que j’avais été se changea en un être glacial dont la cruauté n’avait plus aucune limite. La lueur de mes yeux n’avait pas perdu d’éclat, elle était seulement le reflet de mon innocence à l’agonie. Je n’étais plus un petit garçon à présent, j’avais entre mes mains le pouvoir de la vengeance.
Accident à l’école secondaire, un élève avait été battu et poignardé par un stylo en plein visage. Une véritable scène d'épouvante s'était déroulée sans que personne ne s’aperçoive de rien. L'œil de l'enfant avait été sectionné avec une violence inhumaine, à tel point qu'on prétendit d'abord qu’un animal sauvage s'était acharné sur sa pauvre face. « Tu ne pourras plus jamais faire de mal à personne », je chuchotais, étouffant un rictus nerveux. Je manquais de m'évanouir à la vue du sang qui ne voulait plus quitter mes mains, m’écorchant jusqu'à le faire disparaître, mais il me sembla que la pièce toute entière avait été repeinte avec un cadavre. Caché dans les toilettes de l’école, je riais en pleurant. Un goût de mort au fond de la gorge me fit vomir à plusieurs reprises. Tremblant et transpirant comme un malade je recrachais tout ce qu'il y avait de plus mauvais en moi. L'auteur de cette œuvre sordide n'était peut être pas un animal, mais il n'avait plus rien d'humain qu'un visage déformé par la peur. L’enfant que je venais de détruire n’avait sans doute pas mérité un sort aussi cruel, mais pour moi, qui avait été le martyr de cet avorton, tout ceci n’était que justice.
Vers l’âge de seize ans j’ai commencé à écrire mes premières études psychologiques, prenant pour cible mon oncle. J’écrivis tout ce qui me passait par la tête, mes moindres secrets y compris les plus obscures, dans un vieux carnet. Toute ma colère y passa, tout ce que je voyais en rêve et tout ce que la vie m’inspirait de pire. Je parlais de cette chose affreuse que j'avais commise sans le moindre remord, ce qui aurait du rester dans l'ombre, mais malheureusement pour moi mon carnet secret ne le fut bientôt plus. Mon oncle me rejeta, les psychologues même furent terrorisés par tout ce qui polluait mon esprit. J’étais devenu un monstre, le diable en personne.
Que faire d’un enfant malade, si j’ose dire d’un psychopathe en herbe, sinon s’en débarrasser définitivement ? S’il avait été possible de m’abattre certain ne se seraient pas retenus. On préféra m’enfermer dans un endroit spécialisé, une maison de redressement ou plutôt un asile pour les enfants perdus. Loin de l’enfance et des rêves j’ai grandi, il fallait que je devienne ‘quelqu’un’, un homme respectable, mais je ne savais plus vraiment qui j’étais, ni qui je devais être. Je voulais seulement disparaître. C’était un endroit strict et clos où je suis resté prisonnier six ans, six années de lutte acharnée contre moi-même à tenter de découvrir quelle était ma véritable nature.
A 22 ans je quitte cet endroit maudit et rejoins ma seule vraie place, la rue et ses débris. J'étais de la mauvaise graine à abattre, je n’ai pourtant pas manqué de discipline, cela a eu le mérite de m’apprendre à encaisser les coups. La tête plantée dans mes mains j'hurlais jusqu’à l’étouffement. J’aurais voulu m’échapper de moi-même, mais mon corps était une prison de sang et ses barreaux d’os infranchissables. Il n’y avait personne pour me voir, personne pour me sortir de cet enfer. Seul le fantôme de l’enfant borgne qui se promenait dans ma tête savait et prenait un malin plaisir à me le faire payer. Fumer, boire cela ne suffisait plus à me supporter. Une prière aurait été bien inutile, de toute évidence je ne croyais plus en rien depuis longtemps.
Dans ma fuite éternelle j’ai embarqué mes maux, la liberté comme abstruse obsession. Des années de chasse au trésor de la paix pour ne trouver que de répugnantes brindilles. Partout j’ai croisé le déluge du vice et de la destruction. C’est alors que je fis la rencontre d’Héroïne, Méthadone et Cyclizine, mes amours de jeunesse. Injection de pays lointains dans les veines pour s’oublier, elles savaient vous faire voyager ces trois princesses. La liberté n’a pas de bagage. C’est un voyage à nu et sans repère, c’est la souffrance le prix de la délivrance, quelques rêves oubliés qu’une seringue dans la chair perce d’ecchymoses. Trivialité de mon sort je restais vivant dans la mort, une agonie sans fin, n’est ce pas là le destin de l’humanité ? A force de me retrouver confronté aux horreurs de ce monde, je suis devenu un homme je crois, j’en avais peut être l’allure, mais pas encore la carrure. Faible de cœur, mais fort pour se frayer une issue parmi les démunies j’ai menti, j’ai triché, je suis devenu redoutable et redouté. Voleur, manipulateur parfois même cruel, j’ai pris la route qui mène tout droit jusqu’au placard.
En visitant ma cellule j’eus l’impression d’entrer de nouveau dans ma chambre d'internat. La même sensation de vide et de peur oppressante, me fit presque perdre la tête. Il a fallu lutter contre le désordre ambiant, inlassablement endurcir son esprit sous les coups du hasard. La prison n’est sans doute pas comme je l’imaginais, puisque je fus surpris d’y faire la rencontre d’hommes savants. Ils sont enfermés dans des cages parce qu’ils sont seuls, ils sont pris au piège parce qu’ils ont refusé d’être les marionnettes du destin, ils ont perdu au jeu de la vie et comme moi ils luttent. J’ai appris derrière les barreaux à vivre de mon oiseuse existence, à me chercher un but de quoi s’accrocher pour ne pas mourir étouffé. Quelque fois je me suis surpris à rêver, à sentir mon cœur se battre, s’éveiller brusquement. L’espoir c’est doux et douloureux à la fois, comment ais-je pu croire qu'il existait un ailleurs ici-bas?
Le jour où j'ai enfin quitté les quatre murs de ma cage pour rejoindre les quatre murs de ma vie, je me suis retrouvé au milieu du monde sans savoir ni où aller ni pourquoi. C’est alors qu’au hasard d’un vieux bar, un homme c’est assis à mes côtés et a posé sa main sur mon épaule. J’ignore ce qui c’est véritablement passé à ce moment là, mais au simple contacte de sa peau sur la mienne toutes mes craintes se sont évanouies. Pour quelques secondes d’éternité, retrouver cette innocence perdue si longtemps recherchée, redevenir un petit garçon et pleurer face à l’immensité de ce rêve paisible. Je n’avais pas pleuré depuis si longtemps que j’en avais oublié à quel point cela pouvait être réconfortant. J’étais dans l’incapacité de voir le visage de l’homme qui m’avait délivré et tenter de déchiffrer l’ombre sous son chapeau me sembla être une périlleuse entreprise. Par ailleurs je ne chercha pas à savoir qui il était, surpris et perdu face à son imposante présence. Première erreur.
J’ai le regret aujourd’hui de croire que cet homme là était plein de malice, un vicieux magicien qui m’avait enveloppé dans ses illusions. Je n’y vis que du feu. Pendant que je cherchais à retrouver mes esprits, il fit hommage au silence comme si les mots ne suffisaient pas et il s’en alla, sans même un regard, une simple main tendue avec au bout de ses doigts une petite carte. A plusieurs reprise j’écarquillais les yeux sur cette étrange invitation venue de nul part. Tout ce dont je pouvais rêver m’était offert sur un petit bout de papier. Comme un enfant curieux j’ai relu cette ode au nouveau monde, la proposition d’une nouvelle vie écrite en lettres grâces, comme pour attirer les gourmands. J’étais si pauvre en chance à ce moment là qu’il ne me vint pas une seule seconde l’idée de refuser l'offre. Passer 4 ans en prisons m’avait sans doute rendu un peu dément, soit, je trouvais une occasion inespérée de reconstruire ma vie, qui sait d'en trouver le but.
J’aurais du réfléchir avant de me jeter tête baisée dans cette étrange aventure. Mais j’avais passé tant d’années à courir après des chimères, je n’étais plus à une déception près. J’ai suivi l’invitation à la lettre, me rendant seul dans l’endroit indiqué sur la petite carte. Un chauffeur au visage masqué m’a ouvert la portière d’une voiture sombre, j’hésitais un instant avant d’entrer, me retournant pour observer une dernière fois Londres. Alors je me suis dis que cette ville n’allait certainement pas me manquer. Nous allions changer le monde, c’était le plan. Me voilà embarqué destination mystère, avec pour seul bagage une photo de ma mère jaunis par le temps. Je n’avais besoin de rien d’autre, de toute évidence je n’avais rien à garder de ma vie passée que des regrets. Le voyage fut long et les vitres tintées de noir m’empêchèrent de voir où nous allions. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait, mais étrangement je ne ressentais aucune crainte, comment aurais-je pu avoir peur après tout ce que j’avais vécu ?
Lorsque je suis arrivé à l’institut Stark, la vieille Finchell – cette horrible bonne femme était plutôt jolie dans son temps- m’accueillit comme un prince. Charmé, exténué par le voyage j’entrais dans l’immense battisse et la lourde porte se referma à jamais dans mon dos. Les membres du personnel, des infirmières en nombre, me présentèrent les lieux. Elles semblaient tout savoir de moi, mais je n’y prêta pas beaucoup d’attention, deuxième erreur. A partir de ce moment là j’allais multiplier les bourdes, inutiles de continuer à les compter j’avais mis les pieds en enfer et je ne tarderais pas à m’en rendre compte.
C’est muni de ce courage insouciant que j’ai bravé l’épreuve des miroirs. J’ai été le premier cobaye de cette salle des tortures. On dit que certains sont devenus fous au bout de 3 jours d’isolement, je suis resté confronté à ma propre réalité durant six semaines. Je crois que ce fut la plus éprouvante de toutes les expériences que j’ai pu vivre ici, et je suis encore en vie, pas tout à fait indemne. Bourré aux séquelles, mon esprit s’est endurci, c’est ainsi que ce sont développées mes premières capacités psychiques. Alors tout est devenu plus clair, je comprenais le jeu de mes bourreaux, toute cette mascarade, ce théâtre scientifique avait pour but de faire de nous des monstres. Nous n’étions pas choisis par hasard, car chacun des résidents avait en lui une capacité hors du commun, utile à Stark pour créer un nouveau monde de servitude. Il allait faire de nous des machines de guerres et si certains étaient trop faibles pour voir la vérité en face, j’étais le dernier des aveugles. J’ai subi les plus atroces souffrances, jusqu’à braver la mort pour apprendre à contrôler mon don.
A force d’exercices ou plutôt de tortures, j’ai appris à me servir de ma tête comme d’une arme. Mais il n’était pas question que je devienne le jouet de Stark, je gardais ma conscience pour moi-même et refusais de prendre part à tel ou tel groupe. Les années passèrent, toujours plus éprouvantes et quand la douleur était insupportable je trouvais encore dans le souvenir de mes parents la force d’avancer. Mes pouvoirs se décuplèrent et avec eux des rêves de puissance et de liberté. J'étais un homme dangereux, une menace pour tout le monde y compris moi-même. Stark en avait terriblement conscience. Je commença des lors à pratiquer la manipulation mentale, à petite dose sur des personnes que je choisissais avec précision. Seulement un don aussi puissant quémandait une parfaite maîtrise de soi et de l’autre, et j’étais encore trop instable pour l’utiliser à bon escient. Bien vite, une ombre noire s’est éprise de moi, je devins incontrôlable, attiré indéniablement par l’obscurité. Manifestement Stark ne s’était pas trompé, j’étais un monstre et j’avais dans les veines l’amer goût du chaos, une haine sous-jacente que j’avais connue trop jeune et qui ne m’avait jamais quitté. Manipulé par cette noirceur de mon âme, j’ai utilisé mon pouvoir à de sombres fins, enrôlant des innocents dans mes idées de révolte. Ce fut pire lorsque je commença à véritablement y prendre goût. Leur souffrance était ma délivrance, je n'en connaissais pas de meilleure. J'allais devenir le nouveau maître et personne ne serait plus jamais en mesure de m'enfermer. Je rêvais de destruction, découvrant que mon unique but était à présent de tuer Stark et de m'emparer du trône...